Pas d’impôts sur les revenus de 2017 ? Attention aux malentendus
Écrit par Jonathan PIRIOU sur juin 17, 2015
François Hollande a annoncé le passage au prélèvement à la source, avec "une année blanche" en 2017. Ce qui ne signifie pas que vous ne paierez pas d'impôts pour autant. Explications.Cela ressemble à un rêve. Depuis dimanche, une phrase se répète en boucle sur les ondes, sur les réseaux sociaux, dans la presse : "Les Français ne paieront pas d’impôts sur les revenus de 2017." Incroyable ! Et pourtant, vous êtes bien réveillés. Mais attendez un peu avant de vous réjouir.
Ce qui a été annoncé
Dimanche, François Hollande a annoncé le passage au prélèvement à la source. Mercredi 17 juin au matin, Michel Sapin et Christian Eckert, en charge des Comptes publics et du Budget, présentaient cette réforme lors du Conseil des ministres. Et il y est bien prévu de décréter "une année blanche", comme disent les spécialistes. En 2017, "c'est cadeau pour les revenus des salariés", a déclaré Christian Eckert sur I-télé, au grand regret d’Eric Woerth, ancien ministre du Budget UMP, qui dénonce une "vision électoraliste".Attention toutefois aux faux espoirs ! Ne pas payer d’impôts sur les revenus de 2017 ne signifie pas ne pas payer d’impôts du tout. "Le gouvernement veut faire passer l'idée qu'il va faire des cadeaux", a mis en garde François Bayrou. Malgré toute sa science et toute sa bonne volonté, l’administration fiscale ne fait pas de miracle. Vous paierez bien des impôts chaque année, en 2016, en 2017, en 2018, etc.
Où est le truc ?
Ce qui peut induire en erreur, c’est la confusion entre l’année de calcul et l’année de paiement. Avec le système actuel, ces années sont différentes : par exemple, on paie en 2015 l’impôt sur les revenus de 2014. Et si ce système perdurait, on paierait en 2016 l’impôt sur les revenus de 2015, en 2017 l’impôt sur les revenus de 2016, en 2018 l’impôt sur les revenus de 2017, etc.
Avec le prélèvement à la source, l'impôt n'est plus versé par le contribuable un an après, mais par un tiers (son entreprise, ou sa banque), avant que ses revenus ne lui soient versés. L’année de calcul et l’année de paiement sont donc une seule et même année. Si nous avions déjà adopté ce système, on s’acquitterait en cette année 2015 de l’impôt sur les revenus de 2015. Et en 2016 de l’impôt sur les revenus de 2016, en 2017 de l'impôt sur les revenus de 2017, en 2018 de l'impôt sur les revenus de 2018, etc.
Pour passer au prélèvement à la source, il faut faire en sorte que l’année de calcul rattrape l’année de paiement. Il faut donc lui faire sauter une année : "une année blanche". En 2016, on paie des impôts sur les revenus de 2015, en 2017, on paie des impôts sur les revenus de 2016, mais en 2018, on paie des impôts sur les revenus de… 2018. On ne paie pas d’impôt sur les revenus de 2017, mais on paie bien des impôts chaque année.
Y aura-t-il des gagnants et des perdants ?
Difficile de dire à l’avance si vous paierez davantage ou moins d’impôts. Si vos revenus augmentent entre 2017 et 2018, toutes choses égales par ailleurs, vous paierez davantage d’impôt du fait de la réforme. A l’inverse, si vos revenus diminuent (40% des contribuables en moyenne !) vous paierez moins. L’Etat, lui, récoltera davantage en période de croissance des revenus.
Mais une année blanche peut aussi être l’occasion pour certains d’optimiser leur fiscalité, en faisant en sorte de gagner davantage durant l’année blanche (primes, plus-values…), et de gagner moins l’année précédente ou l’année suivante. Cela suppose de pouvoir reporter ou différer certains revenus vers l’année blanche et de reporter ou différer certaines dépenses donnant droit à réduction d’impôt avant ou après (aide à domiciles, garde d'enfants…). Au pays des niches fiscales, il peut y avoir des surprises !
D’où l’importance pour Bercy d’être bien préparé. "La priorité, c'est la baisse des impôts des Français", a rappelé François Hollande dimanche à "Sud Ouest". "Dès cette année, plus de neuf millions de ménages vont voir diminuer leur impôt sur le revenu". Le chef de l’Etat a déjà fixé la philosophie de la réforme de ce point de vue. "Nous préparons un projet qui garantira que nul n'ait à perdre quoi que ce soit, ni les Français, ni l'État."