COULÉE PAR LES IMPAYÉS, LA TOUR JUPITER DE MANTES-LA-JOLIE VA ÊTRE DYNAMITÉE
Écrit par Jonathan PIRIOU sur avril 4, 2022
Tant qu’on sera là, Jupiter ne tombera pas”. L’ex-gardienne de la tour du Val-Fourré fulmine contre la réhabilitation de ce quartier populaire de Mantes-la-Jolie (Yvelines). Douze copropriétés vont être rénovées, une treizième dynamitée: Jupiter, 17 étages à la sublime perdue, coulée par la spirale de l’endettement.
“Ça se dégrade mais malgré tout, on est bien ici, on a vécu ici, on y restera”, ne démord pas Madeleine Lino, 51 ans, jogging gris et bras croisés. La concierge a “sacrifié” le poste qu’elle partageait avec son mari. Elle espérait soulager Jupiter gangrénée par les charges impayées et rester dans “sa tour”, “la seule du Val-Fourré avec des fleurs” à ses pieds. Quelques tulipes orangées, jacinthes et rosiers jouxtant des poubelles pleines.
Malgré ces ornements, Jupiter ne peut tenir la concurrence imposée par Neptune. Tout juste ravalée, celle-ci domine, en face, la froide dalle de béton qui tient lieu de forum public. Sa façade d’un blanc éclatant détonne dans la palette de gris de l’immense cité: 6.000 logements dont 5.000 sociaux, tassés sur les bords de Seine. A elle deux, les tours quasi-jumelles illustrent ces rêves urbains des années 1960 rattrapés par la pauvreté, ces copropriétés torpillées par des copropriétaires mauvais payeurs et des marchands de sommeil.
80% de locataires
Elles sont aujourd’hui au coeur de l’une des quatre opérations franciliennes de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national (Orcod-In): un plan de sauvetage exceptionnel, piloté par l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France (Epfif). Plus largement, 400 millions d’euros sont prévus pour “ouvrir sur la ville” ce quartier prioritaire d’ici 2030.
Neptune, majoritairement occupée par des propriétaires, sera maintenue à flot. Jupiter, de plus petites surfaces habitées à 80% par des locataires, doit disparaître. “Quand j’ai acheté en 1982, on m’a vendu qu’ici c’était le XVIe arrondissement de Paris mais à Mantes-la-Jolie”, assure Mohamed Hzeg. Le quartier est “calme” et le F4, acquis pour l’équivalent de 35.000 euros actuels, parfait pour ses enfants, songe alors l’ingénieur géomètre.
“Il y avait une bijouterie, des marchands de costumes, c’était un bon standing”, abonde Jean Bégué, président du syndic et fondateur en 1975, au rez-de-chaussée, d’un laboratoire d’analyses médicales encore en activité.