Dérapage des arrêts maladie : les médecins sous pression
Écrit par Jonathan PIRIOU sur juin 4, 2015
Les montants d'indemnités journalières ont grimpé de 4,4 % en 2014.
L'Assurance-maladie prend des mesures pour enrayer le mouvement.
Qu'est-ce qui fait grimper les arrêts de travail ? Depuis l'année dernière, les dirigeants de l'Assurance-maladie se posent la question sans trouver de réponse évidente. En 2014, les indemnités journalières versées pour maladie, maternité ou accident du travail ont crû de 4,4 %, selon l'avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance-maladie. Les arrêts sont plus nombreux et plus longs. En 2013, ils avaient coûté 12,8 milliards d'euros. Et la vague n'est pas retombée début 2015.
Le comité s'en est ému fin mai : « Loin de s'infléchir, les dépenses d'indemnités journalières continuent de progresser à un rythme accru : 3,4 % au premier trimestre 2015, contre 3,1 % pour la même période en 2014 et 0,2 % en 2013. » Il faut agir, sinon l'objectif de dépenses de soins de ville pour 2015 ne sera pas respecté, prévient-il.
Une augmentation liée au recul de l'âge de la retraite
C'est bien ce qu'a l'intention de faire la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM). Elle présente ce jeudi, devant son conseil, une étude sur les arrêts maladie, assortie d'une ébauche de plan d'action pour enrayer la hausse, à laquelle « Les Echos » ont eu accès. La CNAM n'a pas élucidé le mystère des arrêts maladie, mais elle fait plusieurs constats en comparant les dix premiers mois de 2014 avec 2013. Les arrêts qui progressent le plus sont ceux compris entre 1 et 6 mois. L'augmentation des dépenses d'indemnités journalières pour les personnes de plus de 60 ans explique 15 % de la croissance. Leur part relative dans la dépense s'accroît donc.
Mais ce n'est pas nouveau : on travaille plus longtemps que par le passé, notamment à cause du recul de l'âge légal de la retraite. Or à la soixantaine, la santé se dégrade. Les temps partiels thérapeutiques contribuent d'ailleurs à hauteur de 15 % à la croissance des indemnités. On note également une forte hausse des indemnités journalières chez les invalides, car ces derniers sont de plus en plus nombreux. La CNAM va approfondir son étude et chercher si l'arrêt-maladie n'est pas utilisé comme substitut à une retraite anticipée.
Les gros prescripteurs dans le viseur de la CNAM
La priorité pour enrayer le phénomène, c'est maintenant d'améliorer la pertinence de la prescription. Des fiches-conseil seront élaborées afin d'anticiper et donc de prévenir les arrêts longue durée : quelqu'un qui a mal au dos doit être pris en charge en amont avant que le mal ne devienne chronique, voire ne se transforme en dépression. Quant aux médecins gros prescripteurs d'arrêts maladie, ils vont être mis sous pression. C'est en juin que débute la campagne d' « entretiens confraternels ».
Les médecins-conseils de la CNAM vont démarcher les médecins qui prescrivent le plus d'indemnités journalières, et leur démontrer qu'ils arrêtent plus souvent et plus longtemps leurs patients que des confrères à la patientèle comparable. Ils vont leur proposer des solutions. « Si ces médecins baissent d'un jour la durée de prescription, cela représente 33 millions d'euros d'économies », souligne la CNAM. Par ailleurs, la prescription des arrêts de travail pour affection de longue durée, aujourd'hui laissée à l'appréciation des médecins, pourrait être rapatriée à la CNAM. Enfin, la Caisse souhaite sensibiliser les entreprises à ce risque.