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Les “cookies”, au coeur du débat sur la protection de la vie privée sur internet, n’ont jamais été conçus comme des outils d’espionnage des activités numériques, affirme leur inventeur

Écrit par sur janvier 30, 2022

Les célèbres “cookies”, au coeur du débat sur la protection de la vie privée sur internet, n’ont jamais été conçus comme des outils d’espionnage des activités numériques, affirme leur inventeur dans une interview à l’AFP. L’entrepreneur Lou Montulli explique que les “cookies”, qu’il a créés en 1994 alors qu’il était ingénieur chez Netscape, étaient conçus dans l’idée de faciliter le fonctionnement d’internet en permettant aux sites de mémoriser les visites. “Mon invention est au centre des stratégies publicitaires en ligne, mais ce n’était pas le but”, plaide-t-il. “Il s’agit simplement d’une technologie de base qui permet au web de fonctionner.”closevolume_off

Les “cookies” sont des fichiers grâce auxquels un site peut reconnaître un navigateur spécifique. Ils rendent possible des opérations comme l’ouverture automatique de sessions, la publication de commentaires ou l’ajout d’articles dans un panier de courses en ligne, souligne M. Montulli. Sans les cookies dits internes (“first-party cookies”, en anglais), utilisés par les sites pour interagir avec les internautes et mémoriser certaines données, chaque visite serait considérée comme la première. Pour M. Montulli, les vrais coupables sont les cookies tiers (“third-party cookies”), créés par des sites externes et intégrés aux navigateurs et aux régies publicitaires sur internet. “C’est seulement grâce à la collusion entre de nombreux sites et une régie publicitaire que les publicités ciblées sont possibles”, détaille-t-il.

Les sites partagent en effet des données sur les habitudes et les préférences des internautes avec des régies publicitaires, qui les utilisent ensuite pour faire du ciblage. “Si vous faites une recherche sur un produit de niche un peu bizarre et que vous vous retrouvez bombardés de pubs pour ce produit sur différents sites, c’est une expérience étrange”, reconnaît l’ingénieur. “Il est naturel de se dire que si l’on sait que je cherche des chaussures en daim bleu, ça doit vouloir dire qu’on sait tout sur moi, et donc de vouloir sortir de ce système.” Si un site collecte des informations personnelles, comme un nom ou une adresse mail, il est possible que ces données fuitent et qu’un navigateur se retrouve associé à une personne. “C’est un effet de réseau via lequel tous ces différents sites sont de mèche avec des outils de suivi publicitaire”, résume M. Montulli.

A l’instar d’autres groupes technologiques, Google, qui tire la majeure partie de ses recettes de la publicité, a présenté cette semaine un nouveau projet pour bloquer les “cookies” tiers. Une annonce faite peu après une amende de 150 millions d’euros infligée par la Cnil, gardienne de la vie privée des Français, à Google, pour sa politique en matière de “cookies”. Facebook a pour sa part écopé d’une sanction de 60 millions d’euros. M. Montulli tient à rappeler que de nombreux services gratuits sur internet, comme une recherche Google, sont en réalité payés par la publicité en ligne.

Une option serait de cesser le ciblage publicitaire et de le remplacer par des abonnements payants. M. Montulli n’a rien contre la suppression progressive des “cookies” tiers, mais prévient qu’une élimination totale de ces fichiers conduirait les annonceurs à recourir à des stratégies publicitaires plus sournoises. “La publicité trouvera une solution”, prédit-il. “Cela deviendra une course à l’armement technologique étant donné les milliards de dollars en jeu, et l’industrie publicitaire fera ce qui est nécessaire pour garder le navire à flot.”

La suppression des cookies tiers, et donc de la publicité ciblée, pourrait par ailleurs pénaliser les sites les plus modestes en les privant de leur principale source de revenus tout en renforçant des géants comme Apple, Google ou Meta, la maison mère de Facebook. Pour M. Montulli, la seule solution viable de long-terme est probablement un régulation qui maintiendrait les “cookies” tout en instaurant des outils de contrôle, comme la possibilité d’accepter ou de refuser le partage de données. “Le Web serait vraiment inutilisable sans les cookies”, juge-t-il. “Mais il va falloir faire évoluer la façon dont ils sont utilisés par les annonceurs.”