Meurtre d’Alexia Daval : « Les premières minutes vont être difficiles… » Trois ans après la mort d’Alexia, Jonathann Daval jugé à Vesoul
Écrit par Jonathan PIRIOU sur novembre 16, 2020
- Jonathann Daval, 36 ans, comparaît à partir de ce lundi pour « meurtre sur conjoint », des faits passibles de la réclusion à perpétuité.
- Le corps de sa femme Alexia, une employée de banque de 29 ans, avait été retrouvé dissimulé sous des branchages et partiellement brûlé, le 30 octobre 2017 en Haute-Saône.
- Pendant trois mois, Jonathann Daval avait joué l’époux éploré avant de reconnaître l’avoir frappée et étranglée dans la nuit du 27 au 28 octobre 2017 à leur domicile de Gray-la-Ville (Haute-Saône), lors d’une violente querelle conjugale.
« Je soupçonne tout le monde, sauf Jonathann. Il faut vraiment avoir des preuves irréfutables pour inculper Jonathann. » Ce 29 janvier 2018, Isabelle Fouillot confie son étonnement aux gendarmes de la section de recherche de Besançon, qui ont arrêté et placé son gendre en garde à vue. Elle en est convaincue : cet informaticien de 34 ans, qu’elle considère « comme un fils », n’a pas pu tuer sa fille Alexia, 29 ans, et tenter de faire disparaître son corps en le brûlant. Pourtant, le lendemain après-midi, confronté aux preuves recueillies, Jonathann Daval passe aux aveux. « Je n’ai pas voulu ce qui est arrivé, ce n’était pas volontaire », lâche-t-il en pleurs aux enquêteurs.
A Gray, en Haute-Saône, cette confession surprend tout le monde. Jonathann et Alexia semblaient former un couple idéal. Un beau mariage célébré en 2015, un chat prénommé Happy, une passion commune pour la course à pied, une maison avec piscine… Alexia semblait nager dans le bonheur. Rien ne présageait que Jonathann serait, un jour, jugé devant la cour d’assise pour le meurtre de celle qu’il connaissait depuis dix ans. Pourtant, derrière le visage du gendre idéal, se cache celui d’un homme qui a frappé et étranglé sa femme après une soirée raclette en famille.
Durant trois mois, il a suscité la compassion des Français qui le voyaient pleurant la mort de son épouse aux côtés de ses beaux-parents. Jonathann continuait de les côtoyer presque quotidiennement. C’est peu dire que pour Isabelle et Jean-Pierre Fouillot, ses aveux sonnent comme un coup de tonnerre. Il faut pourtant se rendre à l’évidence : aucun rôdeur n’a tué Alexia pendant qu’elle faisait son jogging dans les bois, par une froid samedi matin d’octobre 2017. La jeune femme est morte quelques heures plus tôt, chez elle, dans les escaliers menant au garage.
Frappée et étranglée
Jonathann avait imaginé un scénario machiavélique pour dissimuler son crime commis dans la nuit de vendredi à samedi. Il a mis le corps d’Alexia dans le coffre de son véhicule de fonction, pris un somnifère et est allé se coucher. Vers 11 h, il s’est rendu chez ses beaux-parents, qui tiennent un café-PMU à Gray, pour leur faire part de son inquiétude : la jeune femme, qui est partie courir il y a deux heures, n’est pas rentrée et ne répond pas à ses messages. Puis, dans la foulée, il est allé à la gendarmerie pour signaler sa disparition. Une enquête de flagrance est alors ouverte et d’importants moyens déployés pour retrouver la jeune femme.
Deux jours plus tard, le 30 octobre, vers 14h15, des élèves gendarmes qui ratissent le bois de la Vaivre, à Esmoulins, découvrent le corps sans vie d’Alexia, partiellement calciné et dissimulé sous des branches. L’autopsie révèle qu’elle a reçu de nombreux coups aux visages avant d’être étranglée, ce qui a provoqué son décès.
Les témoins interrogés par les enquêteurs sont formels : la jolie blonde et le beau brun aux yeux bleus forment un couple idéal, heureux et sans histoire. Alexia, clame Jonathann lors d’une marche blanche, était sa « première supportrice », son « oxygène », la « force » qui le poussait à se surpasser au cours de ses « challenges physiques ». Aux côtés de la famille d’Alexia, qui le soutient, le jeune homme paraît ce jour-là effondré.
Pourtant, les soupçons des gendarmes se portent très vite sur lui. Les enquêteurs ont relevé plusieurs éléments troublants. Personne, pour commencer, n’a vu la jeune employée de banque courir le matin de sa disparition. Aucun ADN n’a été retrouvé sur corps, excepté celui de Jonathann. En revanche, un chasseur a aperçu un véhicule utilitaire blanc similaire à celui du jeune homme sur un chemin proche du lieu de la découverte du corps. Un véhicule qu’il a utilisé dans la nuit de vendredi à samedi, comme le prouvent les données du tracker installé à l’intérieur par son employeur.
« Ça m’a mis hors de moi »
Le 29 janvier 2018, les enquêteurs décident de l’interpeller. Au cours de sa cinquième audition, il craque et concède avoir tué Alexia. Par accident, assure-il. Mais il nie l’avoir frappée et avoir incendié son corps.
Au fil du temps, sa version va évoluer, allant jusqu’à accuser son beau-frère du meurtre avant de se rétracter. Mais le jour de la reconstitution du meurtre, en juin 2019, supplié par la mère de la victime, il avoue. La nuit de sa mort, Alexia lui avait proposé de faire l’amour, il avait refusé. Elle s’était énervée, lui lançant qu’il n’était « pas un homme » et qu’il ne voulait « pas d’enfant avec elle ». Elle l’insulte, le mord. « C’est là que ça m’a mis hors de moi », explique celui qui passait pour un jeune homme calme et discret.
Pour qu’elle se taise, il l’a frappée « plusieurs fois de la main gauche et de la main droite au visage », et lui a tapé la tête contre un mur. Avant de saisir son cou et de le serrer de longues minutes. Alexia tente de se débattre, d’agripper ses bras, mais elle finit par perdre connaissance. Jonathann, pourtant, continuer de serrer. « Elle s’est affaissée », poursuit le jeune homme, jurant qu’il ne voulait pas la tuer.
Au matin, il a revêtu Alexia de ses affaires de jogging, a pris le téléphone portable de la jeune femme et a envoyé un texto à sa sœur. Il a ensuite emmené le corps dans les bois d’Esmoulins et a tenté de l’incendier à l’aide d’une bombe de mousse expansive et d’un briquet.
« C’est tout ce qui s’est accumulé, qui est remonté en même temps. J’ai pêté un câble », avait un jour confié Jonathann au juge d’instruction. Le couple avait ses problèmes que personne ne semblait connaître. Alexia voulait un enfant. Mais elle avait des problèmes de fertilé et devait prendre un traitement hormonal qui, selon Jonathann, lui provoquait des « crises d’hystérie ». Elle se moquait de lui, de ses problèmes d’érection et le narguait avec des sex toys qu’elle utilisait à côté de lui. « Elle m’humiliait avec ça. »
« Ils attendent des réponses de sa part »
A la veille du procès de Jonathann, les parents, la sœur et le beau-frère d’Alexia sont « à la fois calmes et déterminés », nous explique leur avocat, Me Gilles-Jean Portejoie. « lls sont surtout impatients de le voir, car ils ne l’ont pas revu depuis la reconstitution, et de lui poser des questions. Ils attendent des réponses de sa part, ajoute l’avocat clermontois. La plus belle des excuses sera de nous dire pourquoi, pourquoi celui qu’on a considéré comme un fils a pu en arriver là. » Selon lui, le procès devra aussi permettre d’évoquer les « quelques zones d’ombre qui restent » dans cette affaire. « Quid d’une complicité ? Peut-on évoquer une préméditation ? »
« Effectivement, tout n’est pas dit, loin de là, dans le dossier de Jonathann Daval », nous explique Me Randall Schwerdorffer, l’avocat du jeune homme. « Il s’est quand même exprimé parfois assez peu, notamment sur le passage à l’acte. Il y est prêt aujourd’hui, mais il fallait du temps pour que sa position évolue, pour qu’il puisse s’ouvrir au débat et être capable de répondre aux mieux aux questions qui lui étaient posées. Ce qui n’a pas toujours été le cas, notamment au début de cette affaire. »
« Fatigué, angoissé et stressé », Jonathann Daval « appréhende énormément le procès », de se retrouver face à la famille d’Alexia, confie son avocat. « Les premières minutes vont être extrêmement difficiles émotionnellement. » Il encourt la réclusion à perpétuité.