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Depuis le déconfinement, je suis devenue allergique au bruit »… Le retour des nuisances sonores les rend fous

Écrit par sur mai 20, 2020

HUUUUT Le déconfinement en France a marqué la reprise de la circulation routière et du bruit ambiant, au grand dam de tous ceux qui avaient pris goût au calme qui a régné durant huit semaines

  • Durant ces deux mois de confinement, la France a été plongée dans un calme inédit, sans bruit de circulation routière ni de travaux.
  • Mais le déconfinement progressif marque le retour des nuisances sonores auxquelles nous n’étions plus habituées.
  • Et pour beaucoup, cette pollution sonore est très difficile à vivre.

Déconfinement, jour 10. Entre perte de repères et désillusion, la France a entamé le 11 mai une sortie progressive de son confinement. Reprise des transports, du travail et de l’école pour certains, réouverture timide des commerces, bars, restaurants et parcs des zones classées rouge toujours fermés : la vie quotidienne n’a pas totalement repris son cours. Mais un élément du « monde d’avant », lui, a fait un retour retentissant : le bruit.

Les chantiers de construction ont redémarré, et avec eux les marteaux-piqueurs. Et si l’heure n’est pas encore au retour des embouteillages monstres sur le périph parisien et sur les grands axes routiers, la circulation s’est déjà bien densifiée. Sortis des garages et parkings où ils étaient endormis huit semaines durant, voitures et deux-roues se sont réapproprié le bitume, recouvrant le doux chant des oiseaux dont se délectaient les citadins et citadines plongés dans le calme inédit du confinement. Alors, après ces huit semaines de silence, allons-nous tous devenir intolérants au bruit ?

Klaxon, enfer des deux-roues et damnation

« Le bruit, ce sont les sons que l’on ne désire pas et que l’on subit », définit Christian Hugonnet, ingénieur acousticien et président de l’association La semaine du son, qui sensibilise le grand public aux enjeux sociétaux de l’environnement sonore. Avec le déconfinement, le premier à faire dégoupiller les lecteurs et lectrices de 20 Minutes, c’est celui que font les deux-roues. « Les motos et scooters font énormément de bruit, plus que tout le reste ! Et il y en a de plus en plus, ça résonne, c’est insupportable », déplore Sabine. Une exaspération partagée par Damien, qui trouve que « le vrombissement des motos et scooters, soit parce qu’ils ont un pot d’échappement débridé, soit parce qu’ils roulent au-dessus des limitations de vitesse, est une gêne terrible en ville. C’est une honte ! D’autant plus que pour la plupart, il s’agit de déplacements courts n’excédant pas 5 à 10 km. J’ai du mal à comprendre pourquoi ils n’enfourchent pas plutôt un vélo ».

Et si Louis estime qu’à Paris, « le pire, ce sont les sirènes de police et les klaxons », pour Gigi, qui vit dans le 18e arrondissement de la capitale, « il y a deux types de nuisances en ville insupportables : les klaxons et les deux-roues qui pétaradent dans les rues, même la nuit, ça rend dingue ! J’ai beau avoir du double vitrage, dormir avec des bouchons d’oreille, rien n’y fait. Les véhicules d’urgence et leurs sirènes, les véhicules de propreté, leur utilité sociale rend plus acceptable la nuisance sonore. Ceux qui klaxonnent ou roulent en motos très bruyantes ont un comportement égoïste ». Car « les deux-roues génèrent un bruit spécifique, avec une fréquence plus aiguë qui agresse davantage, confirme Christian Hugonnet. Un seul deux-roues qui traverse une grande ville en pétaradant peut réveiller plus de 100.000 personnes. La nuisance est considérable ».

« Je suis contraint de fermer la fenêtre »

Au début du confinement, « le silence brutal en a surpris beaucoup », relève l’ingénieur acousticien. Dont Eric, qui a quitté Paris pour se confiner chez ses parents en périphérie lilloise. « Le silence régnait, en contraste avec le bruit des boulevards parisiens, mais aussi avec l’animation habituelle de ma ville d’enfance. Puis j’ai vite pris l’habitude de réviser mes examens la fenêtre ouverte. Mais depuis quelques jours, je suis contraint de fermer la fenêtre ». Même amertume du côté de Toulouse pour Anthony : « Le retour des scooters et motos au pot débridé, qui passent à fond en centre-ville sans se soucier des gens qui habitent ici, c’est insupportable. Au 3e étage, le bruit s’amplifie, c’est une horreur. Impossible de dormir la fenêtre ouverte comme je l’ai fait pendant ces 2 mois de confinement ».

Emmanuel, qui vit près de l’aérodrome de Toussus-le-Noble en Ile-de-France, note pour sa part que « les vols ont repris de plus belle depuis le 11 mai », et redoute déjà le moment où le trafic aérien de l’aéroport d’Orly reprendra, « avec un avion toutes les deux minutes ». Pour lui, le confinement a été « une période bénie. Et c’est fini ». Une nostalgie partagée par Esther : « Je regrette le temps où j’entendais la cloche de l’église et les oiseaux, ce temps suspendu où tout semblait revivre. Le retour brutal à ce flot de voitures, de RER, de l’A86… Je me sens agressée, on me vole un environnement où je me sentais si bien ».

La région parisienne a connu un calme inédit, comme le relève Bruitparif, l’Observatoire du bruit en Ile-de-France, qui dispose de 150 stations de mesure du bruit. « Un silence inhabituel s’y est installé du fait de la diminution drastique des trafics routiers, aérien et même ferroviaire, l’arrêt des chantiers et la fermeture de nombreuses activités et lieux festifs ». Mais ça, c’était avant.

Un « linceul sonore » sur les villes

« Il y a eu un moment de calme, un silence propice à la sérénité, à la réflexion. Après deux mois de calme, le retour du bruit est perçu comme une agression violente et cette prise de conscience est douloureuse, expose Christian Hugonnet. C’est un vrai problème sociétal. Car il y a sur les villes une sorte de “linceul sonore”, un continuum de bruit qui nous pénètre et nous engloutit, indique l’ingénieur acousticien. C’est sans répit, à l’exception d’une courte pause que l’on appelle “l’heure bleue”, aux environs de 4h du matin, entre l’arrêt de la circulation des véhicules de la veille et la reprise de ceux du lendemain. On redécouvre le bruit de la ville, de la circulation, et il va falloir s’y réhabituer ».

Mais avant, pour beaucoup, le retour du bruit marque le retour du stress. « Je vis à Paris depuis quarante ans et je me rends compte, depuis le confinement, que la majeure partie de mon stress est due au bruit insupportable et permanent des deux-roues [encore eux], observe Thomas. Maintenant qu’on a connu le calme, on ne peut plus tolérer ces nuisances ! » Dans son village de l’ouest lyonnais, Julie a « vraiment apprécié le calme du confinement, cela m’a enfin permis de profiter de mon extérieur, sans le bruit de la route départementale en contrebas, qui est très fréquentée. Mais le déconfinement a relancé ces nuisances sonores jour et nuit et c’est très difficile d’accepter de subir cela. Le niveau sonore que nous subissons devrait être évalué pour comprendre à quel risque nous sommes exposés au quotidien ».

 Je suis devenue allergique au bruit »

« C’est vrai, l’exposition au bruit à des effets délétères sur la santé : stress, augmentation de la pression artérielle, troubles du sommeil, sentiment d’oppression ou encore troubles des approches cognitives », cite Christian Hugonnet. Anne-Lise, elle, se sent « déprimée depuis le déconfinement. Ces moments sans circulation étaient un pur plaisir ».

Un sentiment éprouvé aussi par Stéphanie, qui habite à Nantes, et qui vivait cernée par le bruit avant le confinement : « Circulation, chantier de construction, travaux dans mon immeuble, avions qui passent au-dessus de la maison jour et nuit, ambulances et hélicoptères du Samu parce que je vis près de l’aéroport et du CHU et les fiestas le soir, énumère-t-elle. J’arrivais à prendre sur moi, puis il y a eu le silence quasi total. Un bonheur ! Mis à part les avions, le bruit a repris de plus belle, et mon corps a réagi immédiatement ! Stress, anxiété, irritabilité, palpitations, troubles du sommeil, de l’appétit, contractures musculaires des pieds à la tête : je suis devenue allergique au bruit, je ne peux physiquement et psychiquement plus le supporter ! »

Penser à « l’écologie sonore »

Alors, certains ont décidé d’agir. Jusque dans les campagnes, « plus bruyantes qu’on ne le croit », souligne Olivier, qui habite dans un village à une heure de train de Paris, « sur la grande rue où passent près de 1.000 voitures, à deux mètres de notre maison. On va continuer à batailler pour obtenir ralentisseurs et panneaux de limitation de vitesse ». Même combat pour Stéphanie, dans son village près de Cognac traversé par une route départementale. Le confinement pour elle ? « Du bonheur ! Mais depuis le 11 mai, j’ai l’impression que la route est encore plus fréquentée et que les gens roulent plus vite ! Nous allons rencontrer le nouveau maire et voir quelles solutions nous pouvons trouver. Sinon, je déménagerai pour un endroit au calme ».

Pourtant, il en existe des solutions. « Il faut verbaliser les deux-roues trop bruyants, privilégier les bus, voitures et scooters électriques pour des villes plus douces, et faire payer une taxe sur le bruit. Pourquoi ne pas imaginer une vignette ? », préconise Sabine, qui a bien réfléchi à la question.

Mais « architectes et urbanistes doivent aussi adopter des solutions en amont des projets d’aménagement urbain, insiste Christian Hugonnet. Des murs inclinés permettent de dévier le bruit. Il existe aussi des revêtements de chaussée qui absorbent une partie du bruit des véhicules, tout comme les murs végétalisés et un aménagement bien pensé des places publiques. Il doit y avoir une volonté forte des pouvoirs publics en matière d’écologie sonore. C’est ça, la solution d’avenir ».