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Game of Thrones” et le webmarketing : la série nous apprend à nous servir de l’échec

Écrit par sur avril 19, 2015

Diffusée dimanche sur HBO, Game of Thrones" a rassemblé 8 millions de téléspectateurs. Comment expliquer ce succès ? Pour Hervé Gonay, directeur de Getplus et précurseur du webmarketing B2B, GoT doit sa réussite à sa capacité d'adaptation. Comme dans le secteur du webmarketing, la série évolue dans un univers difficile, proche du monde dans lequel nous vivons.Le succès de "Game of Thrones" illustre une évolution importante des mentalités : la prise en compte de l’échec, non pas comme une impasse, mais au contraire comme condition de la réussite.

 

Une évolution qui trouve un large écho dans le domaine de la vente, où de plus en plus de commerciaux abandonnent le forcing pour une démarche itérative refus-accord.

 

Une série qui dépeint un monde incertain

 

La saison 5 de "Game of Thrones" à peine lancée, on sait déjà qu’elle va battre tous les records d’audience. Le succès de la série HBO s’explique par de nombreux facteurs, comme la qualité de réalisation ou la direction d’acteurs.

 

Mais de l’avis général, ce qui la distingue des autres programmes, ce qui explique pourquoi des millions de fans à travers le monde retiennent leur souffle d’un épisode à l’autre, c’est sa propension à faire périr ses héros. Nul n’est à l’abri dans GoT… Et surtout pas le spectateur, qui meurt plusieurs fois par saison avec les personnages auxquels il s’était identifié.

 

Quelle différence avec les séries classiques, dans lesquelles le héros (unique) finit toujours par triompher ! "L’expérience client" de GoT nous emmène bien loin des canons préconisés par lesmarketers d’Hollywood : en Westeros, pas de fin heureuse, ni de couple princier qui se marièrent et eurent beaucoup d’enfants.

 

Pire : les personnages les plus sympathiques ou vertueux, ceux dont les scénaristes ont patiemment brossé un portrait attachant, finissent tôt ou tard par révéler des aspects déplaisants. Quand ils ne sont pas simplement écartelés, brûlés vifs ou passés au fil de l’épée.

 

Comment, dès lors, expliquer l’exceptionnel engouement pour un programme qui dépeint un monde si incertain, si négatif, alors que pendant des décennies l’audimat a consacré les vertueux "Ma sorcière bien-aimée", "Chapeau melon et bottes de cuir" ou "Star Trek" ?

 

Difficile de s’identifier à un modèle parfait

 

Il y a plus de 40 ans, l’Occident est entré dans une période de remous économiques, dont il n’est pas sorti. Les experts semblent incapables de prédire si l’activité va s’accélérer, ralentir, voire régresser. Et rares sont ceux qui anticipent les crises majeures, comme celle des subprimes en 2008. Ce constat est généralement partagé dans tous les pays et dans tous les métiers – bien peu y échappent.

 

40 ans, c’est à peu près la mi-temps d’une vie humaine. Cela signifie que plus de la moitié de la population occidentale n’a jamais connu de croissance dynamique. Dans ces conditions, difficile de s’identifier à un modèle parfait, où tout est bien qui finit bien.

 

Le modèle qui fonctionne, c’est celui dans lequel nous vivons : un monde difficile, qui n’a pas perdu ses valeurs, mais qui doit lutter pour les conserver. Un monde où l’échec est une réalité omniprésente, qui est acceptée parce que considérée comme condition essentielle dans la construction du succès.

 

L'échec est devenu une probabilité

 

En tant que dirigeant d’une entreprise dont les clients sont majoritairement des commerciaux, je constate chaque jour davantage cette évolution des mentalités. La vente est en effet un microcosme de la société, comme un reflet de la vie quotidienne. On vend comme on vit !

 

Or, il y a 20 ans, la concurrence était beaucoup moins féroce. En l’absence d’Internet, les commerciaux se mesuraient à un petit nombre de compétiteurs connus, souvent locaux. Dans ces conditions, l’échec était proscrit, d’autant que les acheteurs disposaient de peu de sources d’informations ou de comparaison – premier arrivé, premier servi.

 

Aujourd’hui, le décideur fait en moyenne 50% de son cycle de décision sans prendre contact avec le commercial. Il se renseigne sur le web, compulse les réseaux sociaux, étudie les comparateurs… Et du choix, il en a ! La mondialisation des échanges, couplée à la proximité offerte par le e-commerce, ont démultiplié les offres.

 

Dans le même temps, les modèles économiques évoluent vers le ondemand – le prix à la consommation – ce qui facilite, voire encourage, le churn, c’est-à-dire la volatilité des clients. Non seulement, il est plus difficile de signer, mais il est aussi plus difficile de fidéliser.

 

Dès lors, le commercial doit s’adapter. Il ne peut se contenter du cycle de vente classique de type rencontre / proposition / décision. Il lui faut prendre en compte l’échec comme probabilité non négligeable. Et garder à l’esprit qu’aucun échec commercial n’est définitif.

 

Désormais, son cycle de vente s’apparente à une boucle rencontre / proposition / refus / nouvelle rencontre / nouvelle-proposition / nouveau refus etc… jusqu’au moment où la cible, dûment sensibilisée à l’offre, finit par envisager son acquisition.

 

Le vendeur se rapproche des survivants de GoT

 

Cette nouvelle dimension du métier de commercial a deux corollaires. D’une part, le profil des commerciaux se transforme, passant du registre de prêtre évangéliste à celui de médecin, d’un rôle proactif à un rôle curatif.

 

Le commercial d’aujourd’hui ne cherche pas à vendre son produit à tout-va, il sait que ce n’est plus possible ; mais à apporter une solution à un problème. La démarche est plus empathique, les qualités exigées rapprochent le vendeur des survivants de GoT : une exceptionnelle capacité d’adaptation à la situation.

 

L’autre conséquence, c’est le rapprochement avec le département marketing. Car il n’appartient pas au vendeur d’entretenir la flamme – il reste un vendeur, en charge de l’action commerciale –,  l’alimentation du prospect en contenus de fond ressort du marketing. Le marketer est celui qui a la compétence pour analyser les causes du refus et imaginer, en fonction de ces motifs, des solutions (évolution du produit, contre-argumentation, témoignage client…). Un peu à la façon d’un judoka qui utilise la force de l’adversaire pour le renverser.

 

De sorte qu’aujourd’hui, c’est le marketing qui n’a plus le droit à l’échec… Le marketer doit impérativement livrer son volume de leads qualifiés (c’est-à-dire de prospects qui pourraient dire oui), au risque de subir les foudres de la direction commerciale. On vous l’a dit, c’est un monde sans pitié.