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Autoritaire ou démocratique… Quel régime faut-il adopter pour réussir la transition écologique ?

Écrit par sur février 7, 2020

  • Face à l’urgence écologique et à l’heure où la démocratie traverse une crise de légitimité, pointe l’idée qu’un régime autoritaire serait plus qualifié pour mener à bien la transition écologique dans les temps impartis
  • Le think-tank La Fabrique Ecologique déconstruit cette tentation de la dictature verte, en s’appuyant notamment sur la Chine, un contre-exemple en la matière
  • La Fabrique Ecologique rappelle au contraire que « écologie » et « démocratie » se renforcent mutuellement. Pour aller plus vite dans la transition, le think-tank préconise de redéfinir les projets politiques et de faire place à de nouvelles formes de participation.

« Dictature verte » ou « technocratie éclairée »… Les régimes autoritaires sont-ils plus qualifiés que les démocraties pour mener à son terme la transition écologique dans les temps impartis ? L’idée n’est pas nouvelle. « Elle a été développée par plusieurs penseurs de l’écologie politique, pour certains il y a quarante ans déjà* », rappelle Eric Vidalenc, économiste à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).

Mais la tentation du régime autoritaire revient avec force, alors que s’accumulent les rapports scientifiques répétant l’urgence d’agir. « A l’heure aussi où les démocraties, telles qu’elles se matérialisent aujourd’hui, traversent une importante crise de légitimité », ajoute Lucile Schmid, haut fonctionnaire et vice-présidente du think-tank La Fabrique Écologique.

Pékin et sa chasse aux plastiques à usage unique

Mais qu’est-ce qui laisse penser que les régimes autoritaires sont plus à même de répondre aux enjeux environnementaux ? C’est la première question que soulève la Fabrique Ecologique dans une note publiée mercredi soir et rédigée par un groupe de travail présidé, pendant un an, par Eric Vidalenc.

Souvent, la réponse fuse : La Chine et les plans ambitieux qu’elle lance, ces dernières années, dans les énergies renouvelables, la lutte contre la pollution de l’air, la préservation de la biodiversité… Le 20 janvier dernier, elle a ouvert aussi, avec fracas, sa chasse au plastique à usage unique. Jusque-là discret sur ce sujet, Pékin a présenté un plan sur cinq ans qui vise à réduire de 30 % l’utilisation de plastique dans le pays en cinq ans. Il prévoit, dès la fin 2020, l’interdiction des sacs plastiques dans toutes les grandes villes et celle des couverts en plastique à usage unique dans la restauration dès la fin de l’année. Des régions très peuplées, comme les villes de Pékin et de Shanghai ou la province de Jiangsu interdiront aussi l’usage des emballages non biodégradables à partir de la fin 2022.

Ce plan chinois renvoie forcément à la loi anti-gaspillage tout juste votée en France et qui ambitionne de nous sortir « d’une société du tout jetable ». Sur Twitter, des internautes n’ont pas manqué de faire le parallèle, pour demander au gouvernement d’avancer la date de sortie définitive des emballages plastiques à usage unique jugée prévue pour 2040**

La Chine, « le contre-exemple »

Pourtant, pour Jean-Paul Maréchal, maître de conférences en science économique à l’université Paris Sud, auteur de La Chine face au mur de l’environnement (ed. CNRS), la Chine est justement le contre-exemple de cette idée qu’une dictature serait plus efficace pour mener à bien la transition écologique. « Pékin agit après des années de déni et, malgré tout, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté ces dernières années », commence-t-il.

Surtout, l’économiste invite à se pencher sur les motivations des autorités chinoises à s’emparer du sujet. « Le pays part de très loin. La pollution de l’air cause 1,6 million de morts chaque année, 20 % des eaux sont impropres à la consommation, les sols sont en mauvais état…. Or même une dictature, pour exister, doit s’appuyer sur des groupes sociaux relais. » Notamment la classe moyenne naissante qui demande justement à vivre dans un environnement plus sain. Eric Vidalenc rappelle alors le rôle des nombreuses manifestations citoyennes dans la prise en compte par Pékin, du fléau des « airpocalypses », « un mécanisme qui relève justement plus de la démocratie ».

Enfin, il y a les annonces de Pékin… et leurs applications concrètes. A la présentation du plan de lutte contre les plastiques à usage unique, l’écologiste Ma Jun, à la tête de l’Institut des affaires publiques et environnementales (IPE), financé par des dons privés, soulignait ainsi que « sa mise en place restait à démontrer ».

Jean-François Huchet, professeur d’économie et président de l’ Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales), auteur de La crise environnementale en Chine(ed. Presse de Science Po) déconstruit une vision de la Chine comme un unique bloc monolithique obéissant au doigt et à l’œil à Pékin. « Il y a aussi en Chine des lobbies très puissants qui ne trouvent pas toujours leurs intérêts dans les politiques du gouvernement, et les relations entre le pouvoir central et les gouvernements des différentes provinces sont par ailleurs d’une extrême complexité, détaille-t-il. D’où ces décalages fréquents entre les décisions prises par Pékin et leurs concrétisations sur le terrain. »

« Besoin de justice et de participation »

Pour Lucile Schmid, la tentation de la dictature verte est alors « la solution de facilité face à un problème complexe et urgent qu’est l’écologie, glisse-t-elle. Mais d’une part, rien ne garantit que de tels régimes s’engagent de façon continue et sur le long terme en faveur de la transition écologique. D’autre part, l’autoritarisme bride la capacité d’initiative, de penser, de créer. »

« Or, on en a besoin pour mener à bien la transition écologique, poursuit Eric Vidalenc. Croire qu’on a déjà sous la main toutes les solutions techniques pour la mener à bien est un leurre. Et comme ces solutions sont aujourd’hui insuffisantes, il nous faut aussi nous pencher sur nos modes de vie. Là encore, cette réflexion exige de la démocratie. » L’économiste renvoie à une étude de l’Ademe qui avait demandé à un panel de Français à quelles conditions ils accepteraient des changements importants dans leurs modes de vies. « Deux notions ressortaient dans les réponses, précise-t-il. La justice [que ces changements soient justes] et la participation [qu’ils soient impliqués en amont dans la réflexion]. »

« Repenser le projet politique »

Sans surprise, pour « gouverner la transition écologique », la note appelle alors à renforcer la démocratie. La Fabrique écologique dégage trois pistes. Celle d’abord de définir un nouveau projet politique plus à même de répondre aux enjeux environnementaux. « L’écologie n’a jamais été mise au cœur de nos institutions, nous sommes toujours à la recherche de la bonne manière d’articuler les deux, note Lucile Schmid. Il y a un décalage entre l’écologie de l’expertise, portée par les politiques publiques, et l’écologie des initiatives citoyennes. Elles ne sont pas portées par les mêmes personnes, n’ont pas le même vocabulaire, le même agenda… et donc communiquent mal. »

La deuxième piste est celle de ramener de la justice dans la prise de décisions. La Fabrique Ecologique prend alors l’exemple de la taxe carbone dont le rejet sera le point de départ du mouvement des Gilets jaunes, mais pointe aussi la nécessité de réorganiser la gouvernance au sein des entreprises avec la présence de relais de l’intérêt général qui permettraient de réaligner les intérêts économiques avec les objectifs gouvernementaux.

La convention citoyenne à surveiller de près

Enfin, la note pose la question des nouvelles formes de participation au débat public et de la nécessité de renforcer la médiation science-société pour mieux éclairer les citoyens sur les sujets environnementaux. Sur ce volet, la création en France, en novembre 2018 d’un haut conseil pour le climat – composé de treize experts des questions climatiques, et chargé d’apporter un regard indépendant sur les politiques climatiques de la France, va dans le bon sens, se félicite la Fabrique écologique.

De même que la convention citoyenne pour le climat, une assemblée de 150 citoyens tirés au sort et qui travaille depuis le 4 octobre sur des solutions pour baisser de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. La convention entame, ce vendredi, son cinquième week-end de travail à Paris. Ses conclusions sont attendues courant avril. « On suit l’expérience de près », assure Eric Vidalenc.