Du Monfils tout craché, pour le meilleur et pour le pire
Écrit par Jonathan PIRIOU sur septembre 5, 2019
US OPEN – Gaël Monfils a joué et perdu mercredi un match qui parait symboliser toute sa carrière. Tantôt enivrant, tantôt complètement absent, il a évolué trop par intermittence avant un dénouement épique dans un 5e set de feu. Mais au final, il quitte ce tournoi, battu par un Matteo Berrettini talentueux, valeureux, mais qui était tout sauf hors de sa portée. S’il n’avait pas refait du Monfils.
L’histoire du jour
Si, un jour, quelqu’un vous demande “c’était quel type de joueur Gaël Monfils ?“, n’hésitez pas à lui parler de ce quart de finale contre Matteo Berrettini, tant il le résume. Ce match, ce fut un pur concentré de Monfils. Tennistiquement, émotionnellement, il a côtoyé le très bas et le très haut. Il a été dominateur, dominé, stressant, excitant, électrisant, à la fois consternant d’inconstance et magnifique de courage. Mais au final tellement frustrant. L’adjectif qui sied le mieux à cette soirée comme à sa carrière. Ainsi va Monfils, pour le meilleur et le pire.
S’il a été battu sur le fil, 7-6 au 5e set, dénouement toujours aussi cruel que formidable, c’est beaucoup plus tôt qu’il a laissé filer sa place en demi-finale. Car il a eu la main sur ce quart de finale. 6-3, 2-0, balle de double break. Puis ce jeu de service catastrophique dans la foulée pour relancer un Berrettini qui, jusqu’alors, avait la tête lestée de questions devant sa double première en quart de finale de Grand Chelem et sur le court Arthur-Ashe. Deux inconnues parfaitement connues de Monfils. Il aurait fallu appuyer là où ça faisait mal. Quand son adversaire a la tête sous l’eau, on ne l’aide pas à la sortir.
Surtout, on ne peut pas jouer une moitié de quart de finale. Dans l’intensité, il a disparu du milieu du deuxième au début du quatrième set. Il l’a payé. S’il faut lui en vouloir pour quelque chose ce mercredi soir, ce n’est pas tant pour ses doubles fautes dans le dernier tie-break que pour cette trop longue absence. Parce qu’il est Monfils, il a fini par perdre au bout de la dramaturgie plutôt qu’en quatre sets anodins. Du coup, Flushing se souviendra de ce match globalement quelconque du point de vue qualitatif, mais dont la dernière demi-heure à elle seule justifie d’aimer le tennis. Là, les deux joueurs ont été tour à tour immenses de courage et de fébrilité dans un sommet de dramaturgie.
Capable de vous faire lever de votre siège mais aussi de vous donner l’envie de le secouer comme un prunier devant cette léthargie d’autant plus insupportable a posteriori quand on le voit modifier radicalement son langage corporel dans les deux dernières manches, le Français provoque des sentiments contradictoires. Comme peu d’autres joueurs sur le circuit. On comprend que New York l’aime tant. Générateur d’émotions et de spectacle, il est au fond une prévisible pochette surprise. On ne sait jamais sur quoi on va tomber d’un match à l’autre, d’un set à l’autre, parfois d’une minute à l’autre. Mais on pressent trop souvent comment cela va se terminer. Sa saison est tout à fait correcte. Son tournoi aussi. Mais il y a un mais. Il y a toujours un mais, avec lui.
Gaël a fait du Monfils mercredi. C’est au moins autant un constat amer qu’un compliment. Gaël restera sans doute toujours Monfils. Tant mieux et surtout tant pis. Il y a plus de quatre ans, pendant Roland-Garros 2015, j’avais titré à son propos : “Monfils, charmes et limites d’une bête de scène.” Rien n’a changé. Le spectacle était alléchant. Il a eu lieu. Une fois encore, il est terminé. Il n’y aura pas de rappel.