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Disquaire Day: Pour les collectionneurs de disques, l’enfer, c’est les autres

Écrit par sur avril 13, 2019

Alors que des milliers de collectionneurs de disques et amateurs de musiques ont célébré le Disquaire Day dans toute la France, samedi,  à la recherche de galettes rares, les éditions Rivages Rouge sortent L’art de ranger ses disques, de Philippe Blanchet et Frédéric Béghin. « C’est un ouvrage presque humoristique, pas très sérieux, prévient Philippe Blanchet. La musique, c’est sérieux et on peut vraiment se prendre la tête à ranger ses disques, mais nous avons pris ce problème sous l’angle ludique. »

Au fil des pages, les auteurs font témoigner différents amateurs de musique qui expliquent leur rapport au rangement. Maniaque, méthodique, surréaliste, instinctif, bordélique… Toutes les méthodes y passent mais aussi tout le spectre des rapports intimes à la musique et au concept de collection. Peut-être plus encore que les goûts musicaux, la manière de ranger ses disques définit un mélomane. Mais pour Philippe Blanchet, tout est affaire de sociologie. « La plupart des gens qui ne rangent pas leurs disques les retrouvent quand même. Le problème, c’est le partage. Quand on vit seul et qu’on n’a pas d’amis, pas d’enfants, pas d’animaux de compagnie, tout va bien. Le rangement est lié à l’idée de partage. »

Dis-moi où tu ranges Elliott Smith, je te dirais qui tu es

Ainsi c’est quand « l’autre » veut mettre le nez dans votre collection que celle-ci se doit d’avoir un système de rangement. Alphabétique, chronologique ou par genre. On peut aussi croiser les systèmes, distinguer les artistes morts de ceux en exercice, comme l’explique Philippe Blanchet : « Il y a des maniaques qui inventent des systèmes ahurissants, très clairs pour eux mais en fait vraiment tordus. J’ai aussi entendu parler d’un type qui ranger ses disques par couleur de tranche… A mon avis, au-delà de 1000 disques, ce n’est pas tenable. » Pour l’auteur et fan de musique, discuter de son système de rangement est une manière de s’interroger sur l’histoire de la musique.

« Il y a le cas particulier de la musique classique et de la musique contemporaine. Longtemps, les gens les ont rangés ensemble mais au bout d’un moment, on a rapproché musique contemporaine et électro, parce qu’il y a toute une scène de compositeurs minimalistes qui ont inspiré les pionniers de l’électro. »

Marie Kondo en PLS

Alors que les ventes de vinyles ne cessent de grimper et représentent aujourd’hui un véritable segment du marché de la musique, le cliché du collectionneur de disque resté coincé dans les années 1990 disparaît. « Il y a une relève, affirme Philippe Blanchet. Aujourd’hui, 30 % des acheteurs de vinyles ont moins de 30 ans. Ça n’empêche pas les gens d’aller sur du streaming ou des CD. Moi j’achète beaucoup de CD parce que c’est quand même pratique, et parce que ça me fait bizarre d’acheter des vinyles neufs. »

Le collectionneur de disques contredit une autre forme de « modernité » en privilégiant l’accumulation plutôt que l’épure. « C’est l’éloge de l’accumulation, Marie Kondo est balayée !, rigole Philippe Blanchet. Avec le temps, une collection de vinyles, ça a la même fonction qu’un album photo. Que vont devenir les photos que les gens prennent avec leurs téléphones ? On ne sait. Mais une collection de vinyles a un effet madeleine de Proust. »

Si le livre L’art de ranger ses disques s’attarde sur des anecdotes et des considérations plutôt légères, l’auteur note tout de même qu’« être collectionneur, c’est aussi une douleur. C’est une sorte de drogue, une névrose douce. Et il y a souvent des déceptions, des disques qu’on rate, qu’on perd. Et une collection, ce n’est jamais achevé. Ranger ses disques, c’est une façon de reprendre le contrôle sur sa créature. Enfin d’essayer… »