Venezuela : Nicolas Maduro se dit favorable à des législatives anticipées en 2019
Écrit par Jonathan PIRIOU sur février 3, 2019
Un bras de fer à distance, dans les rues de Caracas. Samedi 2 février, les deux camps qui s’affrontent au Venezuela ont pu compter leurs soutiens et mesurer le rapport de force. Des dizaines de milliers de manifestants ont défilé dans la capitale, les uns pour exiger le départ de Nicolas Maduro, les autres pour célébrer le vingtième anniversaire de la révolution bolivarienne et réaffirmer leur soutien au dirigeant socialiste. Des deux côtés, les photos montrent des rues et des avenues noires de monde, mais aucun chiffre fiable ne circule généralement après les manifestations au Venezuela.
Côté opposition, Juan Guaido, autoproclamé « président », a annoncé que le mois de février serait « déterminant » pour chasser du pouvoir Nicolas Maduro. Depuis une estrade devant la représentation de l’Union européenne (UE) à Caracas, dans le quartier de Las Mercedes, le chef de l’opposition a annoncé l’arrivée dans les prochains jours d’une aide humanitaire destinée au pays à la frontière colombienne, au Brésil et sur une « île des Caraïbes », en demandant à l’armée de la laisser entrer.
« Nous allons continuer dans la rue jusqu’à ce que nous soyons libres, jusqu’à la fin de l’usurpation », a déclaré, la voix enrouée, Juan Guaido, 35 ans, en costume sombre et chemise blanche. « Oui, c’est possible ! », lui répondait la foule.
Poussant l’avantage qu’il a acquis d’un soutien sans faille d’une grande partie de la communauté internationale, il a appelé ses partisans à ne pas relâcher la pression, lors d’une nouvelle manifestation, le 12 février, « jour de la jeunesse » au Venezuela. Une autre mobilisation, liée à la distribution de l’aide humanitaire, est prévue dans les prochains jours, a-t-il lancé, sans plus de précision.
Nous ne serons pas un pays de mendiants »
Sur son compte Twitter, le président colombien Ivan Duque a annoncé l’ouverture dans son pays de trois centres de collecte d’aide humanitaire, dont des médicaments et des aliments, pour « la nation sœur » du Venezuela.
Nous n’avons pas été et ne serons pas un pays de mendiants », a rétorqué Nicolas Maduro. En revanche, « il y a en a certains qui se sentent mendiants de l’impérialisme et vendent leur patrie pour 20 millions de dollars », a-t-il poursuivi en référence au montant de l’aide humanitaire (17,5 millions d’euros) promise par les Etats-Unis à Juan Guaido, mais qui ne peut pas être acheminée sans l’accord des autorités et de l’armée.
A une dizaine de kilomètres de la foule réclamant sa démission, le président vénézuélien est en effet réapparu en public pour la première fois depuis six mois. Vêtu d’une chemise rouge, il a pris la parole devant un parterre de supporters réunis sur l’avenue Bolivar, où il y a six mois des drones chargés d’explosifs avaient explosé près de la tribune où il se trouvait.
Il s’est déclaré favorable à la tenue d’élections législatives anticipées dans le courant de l’année, alors que le Parlement est justement la seule institution contrôlée par l’opposition. Le mandat actuel des députés, élus fin 2015, court de janvier 2016 à janvier 2021. Et les prochaines législatives doivent normalement avoir lieu fin 2020.
Pour faire face à ce qu’il a qualifié de « plan macabre » des Etats-Unis, il a aussi annoncé une augmentation du nombre de soldats, en appelant les miliciens, un corps composé de civils, à rejoindre l’armée. « Gringo hors de ma patrie », pouvait-on lire sur le panneau d’un des manifestants. « Allez au diable, Yankees de merde ! », disait une autre pancarte.
Première défection de poids dans l’armée
La tension monte à chaque appel à manifester au Venezuela. Une quarantaine de personnes ont été tuées et plus de 850 ont été arrêtées selon les Nations unies (ONU) depuis le début des mobilisations, le 21 janvier. Quelques heures avant le début de ces manifestations, qui se sont déroulées également à travers le Venezuela et à l’étranger, un général de division de l’armée de l’air a annoncé faire allégeance à M. Guaido, alors que M. Maduro compte sur le soutien déterminant des forces armées pour se maintenir au pouvoir.
Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, où il apparaît en uniforme, le général Francisco Yanez rejette « l’autorité dictatoriale » de M. Maduro et « reconnaît le député Juan Guaido comme président ». Se présentant comme directeur de la planification stratégique de l’armée de l’air, il est le militaire de plus haut rang à se rallier publiquement à M. Guaido. Jusqu’ici, seul un colonel, attaché de défense aux Etats-Unis, avait franchi le pas.
Le général Yanes a été immédiatement qualifié de « traître » par l’armée de l’air. « Les Etats-Unis appellent tous les membres de l’armée à suivre l’exemple du général Yanez, et à protéger les manifestants pacifiques qui soutiennent la démocratie », a tweeté dans la foulée le conseiller de la Maison Blanche à la sécurité nationale, John Bolton.
Alors que le Parlement européen a appelé jeudi, en reconnaissant l’autorité de M. Guaido, tous les pays de l’UE à faire de même, six d’entre eux (Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni, Portugal, Pays-Bas) ont donné à M. Maduro jusqu’à dimanche pour convoquer des élections, faute de quoi ils reconnaîtront Juan Guaido comme président. Soutenu par la Russie, la Chine, la Corée du Nord, la Turquie ou encore Cuba, M. Maduro, 56 ans, rejette l’ultimatum européen et accuse les Etats-Unis d’orchestrer un coup d’Etat.