Pour Jean-Luc Mélenchon, une semaine hors du commun
Écrit par Jonathan PIRIOU sur octobre 20, 2018
Incroyable : ce mot définit à merveille la semaine de Jean-Luc Mélenchon. Il s’est retrouvé au centre de l’actualité, des regards, des polémiques, après un réveil forcé : mardi matin, une quinzaine de personnes, membres ou proches de la galaxie insoumise, ont été perquisitionnées dans le cadre de deux enquêtes préliminaires ouvertes par le parquet de Paris. La première concerne de présumés emplois fictifs d’assistants parlementaires européens. La seconde porte sur les comptes de campagne pendant la présidentielle. L’ancien candidat à la présidentielle – persuadé que c’est un coup organisé par le pouvoir pour l’affaiblir lui et son mouvement -, réfute les accusations, contre attaque et prévient : «On ne baissera pas les yeux.»
Mardi, 10h45 : «Enfoncez la porte, camarades !»
Jean-Luc Mélenchon marche à grands pas sur la rue de Dunkerque (Paris Xe). Le regard sombre. La tête des mauvais jours. Il s’arrête un tout petit instant devant le numéro 43, l’immeuble où se situe le siège de La France insoumise (LFI). Le député guette ses troupes. Avec un grand geste de la main, il lâche : «On y va ! Personne ne pourra m’empêcher de rentrer chez moi !» Il grimpe les escaliers, sa bande l’entoure. Au premier étage, deux policiers en civil sont postés devant la porte. Ils font barrage, le ton monte. On suit les aventures de Jean-Luc Mélenchon depuis bientôt quatre ans : jamais on ne l’avait vu dans cet état. Aucune mise en scène, de la colère dans le regard et dans les mots. «Enfoncez la porte, camarades !», dit-il à plusieurs reprises.
Après un moment sur le palier, face à la police, et une phrase déjà culte («La République c’est moi !»), une porte s’ouvre. Il s’engouffre avec les siens. Du bruit, des bousculades. Le député bouscule le procureur, un policier. Il est en sueur. La colère ne tombe pas. La police met un terme à la perquisition avant l’heure. Jean-Luc Mélenchon est épuisé. Bastien Lachaud, député de Seine-Saint-Denis, et Manuel Bompard, figure du mouvement, l’aide à quitter le QG. Il s’appuie physiquement sur eux. Une matinée intense pour le tribun. Sa journée n’est pas terminée : il file au Palais Bourbon.
Dans l’hémicycle, il pose une question au gouvernement et à la majorité. «Collègues, êtes-vous devenus déraisonnables ? Vous sentez-vous solidaires de procédés pareils ? Ce n’est plus de la justice, ce n’est plus de la police», dit-il, micro coupé, ses deux minutes de temps de parole écoulées. «Il n’y a aucune instruction individuelle donnée au procureur. Les décisions du procureur, celle-ci en l’occurrence, ont été soumises au contrôle d’un juge de la liberté et de la détention, qui est un magistrat du siège, parfaitement indépendant», répond le Premier ministre. Le remaniement, tant attendu, passe au second plan. La France insoumise occupe les esprits, les ondes et les chaînes d’infos. Les vidéos de la perquisition tournent à grande vitesse. La machine est lancée.
A la tombée de la nuit, les différentes têtes de La France insoumise se retrouvent. La tension tombe d’un cran. Ils font le point sur la situation. Jean-Luc Mélenchon prend des nouvelles de tous ceux qui ont été réveillés, comme lui, par la police à l’aube. Son téléphone sonne sans arrêt. Des proches prennent de ses nouvelles. Certains s’inquiètent. L’un d’entre eux nous confie : «J’ai eu peur pour lui, vraiment. Il n’est plus tout jeune, il a couru toute la journée avec la rage. Il n’a pas supporté que la police fouille dans sa vie privée, ni celle de ses jeunes collaborateurs. Il estime qu’une personne honnête comme lui ne mérite pas ça. Il vit toute cette histoire comme une injustice, ou violation de son intimité.»