110 km/h sur l’autoroute, semaine de 28h… La Convention citoyenne pour le climat à l’heure des choix
Écrit par Jonathan PIRIOU sur juin 19, 2020
Après neuf mois de travaux, les 150 Français tirés au sort de la Convention citoyenne pour le climat ont listé plus de 100 propositions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elles doivent être encore votées ce week-end durant la septième et dernière session.
Elles sont le fruit de neuf mois de travail aussi intense qu’inédit. Les 150 Français et Françaises tirés au sort au cours de l’été 2019 pour plancher sur la lutte contre le réchauffement climatique ont enfin rendu leur copie, qui doit être maintenant votée en assemblée plénière avant d’être transmise à l’exécutif. Plus de 100 mesures vont être débattues de vendredi 19 à dimanche 21 juin par les 150 membres réunis au Conseil économique, social et environnemental -une première depuis l’épidémie – au cours de la septième et dernière session de la Convention.
Il faut dire que leur mission n’était pas des plus simples : établir une série de mesures visant à faire baisser de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, par rapport à 1990, et tout cela “dans un esprit de justice sociale”. “Ces mesures entrent en cohérence les unes avec les autres, nous n’avons pas voulu brider notre travail”, confie à LCI Grégoire Fraty, membre de la Convention. Et si certaines ont rapidement fait consensus, sur le logement par exemple, d’autres ont davantage fait débat entre les 150, comme celles portant sur les déplacements. Voici un panel des propositions qui devront désormais être sélectionnées ou rejetées. Toutes les propositions qui obtiendront la majorité des votes seront adoptées. Et certaines sont particulièrement ambitieuses.
La révision de la Constitution déjà votée
Ces mesures ont été discutées puis amendées par chaque groupe de travail (se déplacer, se loger, se nourrir, produire et travailler) mais certaines sont plus transversales. Notamment celles visant à réviser la Constitution, sur lesquelles les 150 se sont déjà mis d’accord. L’une propose d’ajouter à son préambule un nouvel alinéa mentionnant “la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanité”, tandis qu’une autre vise à intégrer un troisième alinéa à son article 1er : “La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique”.
Parmi les mesures phares du groupe “se loger”, on retrouve la réduction de la consommation d’énergie dans les espaces publics (en interdisant par exemple le chauffage des terrasses de cafés), le changement des chaudières au fioul et à charbon d’ici à 2030 dans les bâtiments neufs et rénovés, ou bien l’interdiction de l’artificialisation des terres tant que des friches commerciales, artisanales ou industrielles sont possibles. Le groupe propose également l’obligation pour les propriétaires d’isoler thermiquement les logements, une mesure qui serait susceptible d’être soumise à référendum, a laissé entendre le chef de l’Etat mercredi 17 juin à la presse.
Renégociation du CETA et crime d’écocide
Le groupe “se nourrir”, lui, propose de diminuer l’usage des pesticides en interdisant notamment les pesticides les plus dommageables pour l’environnement en 2035, d’intégrer l’enseignement de l’agroécologie dans les programmes scolaires, ou de taxer les produits ultra-transformés à forte empreinte carbone et faible apport nutritionnel. Parmi les mesures les plus ambitieuses, on peut citer la renégociation du CETA au niveau européen pour y intégrer les objectifs de l’Accord de Paris, ou encore l’adoption d’une loi pénalisant le crime d’écocide.
Les propositions du groupe “consommer” couvrent elles aussi un large spectre, allant de l’information du consommateur aux règles encadrant la publicité. Il propose d’afficher l’empreinte carbone des produits sur l’emballage, d’interdire la publicité des produits les plus polluants, d’obliger la publicité à faire passer des messages incitant à moins consommer, mais aussi de mettre en place progressivement un système de consigne de verre, qui sera généralisé d’ici 2025.
Réduire le temps de travail
Le groupe “se déplacer”, lui, a eu la mission de s’atteler au secteur très polluant du trafic routier et aérien. Et de concilier ses propositions avec ce fameux “esprit de justice sociale” : on se rappelle le vif débat autour de la taxe carbone et le mouvement social des Gilets jaunes qui en a découlé. Parmi les mesures votées par le groupe, on retrouve l’interdiction des véhicules les plus polluants en centre-ville, la limitation de la vitesse sur l’autoroute à 110km/h, l’interdiction dès 2025 de la commercialisation de véhicules neufs très émetteurs de gaz à effet de serre. Sur l’aviation, le groupe propose des mesures fortes : en finir avec les vols intérieurs d’ici 2025, ou encore interdire la construction de nouveaux aéroports.
Le dernier groupe de travail s’est penché sur la thématique “produire et travailler”, intégrant là aussi de nombreuses questions liées à la transition écologique. Parmi ses propositions phares, on peut retenir le recyclage obligatoire de l’ensemble du plastique ainsi que la suppression de tous les plastiques à usage unique dès 2023, ou bien la réduction du temps de travail hebdomadaire qui passerait de 35h à 28h avec un salaire inchangé.
“Les 150” pour continuer le combat
Toujours est-il que le sort réservé à ces propositions reste flou. Si ce sont aux citoyens de décider ce week-end de la forme donnée à leurs mesures (loi, règlement, ou référendum), une fois celles-ci votées et rendues, ils n’ont aucune certitude sur leur reprise par l’exécutif. Lors de sa visite à la Convention, le chef de l’Etat a promis aux 150 de reprendre “sans filtre” certaines des mesures finales et s’est d’ailleurs engagé à revenir devant eux pour leur indiquer ses choix. Grégoire, lui, a “envie d’y croire”.
En attendant, les 150 ont -presque- rempli la tâche confiée par l’exécutif mais n’ont pas pour autant l’intention d’en rester là. Avec leur association “Les 150” nouvellement créée, les 110 à 120 citoyens déjà inscrits ont l’intention, dès la clôture de la convention, de continuer à défendre leurs propositions, “La convention est là pour produire des mesures, en revanche nous n’avons pas de mandat pour les défendre”, explique Grégoire. “Maintenant qu’on a produit quelque chose, on ne veut pas s’arrêter si proches du but.”